Dimitri Chostakovitch | Suite sur des poèmes de Michelangelo Buonarroti (Enregistrement Riccardo Muti – Chicago Symphony Orchestra)
Poèmes de Michelangelo Buonarroti, traduits par Silvia Guzzi pour le livret du CD « Michelangelo Suite », du Riccardo Muti – Chicago Symphony Orchestra
1.
Signor, se vero è alcun proverbio antico,
questo è ben quel, che chi può mai non vuole.
Tu hai creduto a favole e parole
e premiato chi è del ver nimico.
I’ sono e fui già tuo buon servo antico;
a te son dato come e’ raggi al sole,
e del mie tempo non ti incresce o dole,
e men ti piaccio se più m’affatico.
Già sperai ascender per la tua altezza,
e ’l giusto peso e la potente spada
fussi al bisogno, e non la voce d’eco.
Ma ’l cielo è quel c’ogni virtù disprezza
locarla al mondo, se vuol c’altri vada
a prender frutto d’un arbor ch’è secco.
1.
S’il est un ancien proverbe qui est vrai,
Seigneur, le voici : celui qui peut jamais ne veut.
Tu as cru fables, paroles et gueux
et à l’ennemi du vrai tu as donné ton lait.
Je suis et j’ai été fidèle serviteur en ton palais ;
à toi je suis donné comme rayons au soleil,
mais ton indifférence est sans pareille,
et plus je m’applique moins je te plais.
J’ai voulu m’élever en suivant cette onde,
et ta juste balance et ta puissante épée
j’ai voulu devenir, et non la voix de l’écho.
Mais le ciel nie toute vertu à ce monde
s’il prétend que nous nous allions chercher
le fruit d’un arbre sans eau.
*
2.
Quanto si gode, lieta e ben contesta
di fior sopra’ crin d’or d’una, grillanda,
che l’altro inanzi l’uno all’altro manda,
come ch’il primo sia a baciar la testa!
Contenta è tutto il giorno quella vesta
che serra ’l petto e poi par che si spanda,
e quel c’oro filato si domanda
le guanci’ e ’l collo di toccar non resta.
Ma più lieto quel nastro par che goda,
dorato in punta, con sì fatte tempre
che preme e tocca il petto ch’egli allaccia.
E la schietta cintura che s’annoda
mi par dir seco: qui vo’ stringer sempre.
Or che farebbon dunche le mie braccia?
2.
Qu’elle est gaie, heureuse et vive d’émotion
la guirlande de fleurs sur ses boucles dorées,
l’une, l’autre et toutes s’élancent enivrées
comme rivalisant pour lui baiser le front !
Tout le jour cette tunique rayonne de bonheur,
qui sa poitrine enserre puis laisse gonfler,
et cette trame au fil doré
sans peur caresse ses joues et son cœur.
Mais une plus grande liesse émane de ce ruban,
en ses pointes resplendissant, quand de sa douce facture
il presse et touche la poitrine qu’il vient enlacer.
Et l’agile ceinture qui autour d’elle sans fin s’épand,
semble vouloir crier : que cette étreinte à jamais perdure !
Car que feraient mes bras s’ils ne pouvaient l’aimer ?
*
3.
Dimmi di grazia, Amor, se gli occhi mei
veggono ’l ver della beltà c’aspiro
o s’io l’ho dentro allor che, dov’io miro,
veggio scolpito el viso di costei.
Tu ’l de’ saper, po’ che tu vien con lei
a torm’ogni mie pace, ond’io m’adiro;
né vorre’ manco un minimo sospiro,
né men ardente foco chiederei.
—La beltà che tu vedi è ben da quella;
ma cresce poi c’a miglior loco sale,
se per gli occhi mortali all’alma corre.
Quivi si fa divina, onesta e bella,
com’a sé simil vuol cosa immortale:
questa e non quella agli occhi tuo precorre.—
3.
Dis-moi de grâce, Amour, si mes yeux voient
la vraie beauté de celle pour qui je me meurs,
ou bien vit-elle au fond de moi, et à toute heure,
c’est son visage sculpté que j’aperçois.
Tu dois bien le savoir, toi son sire
qui tourmente ma paix et m’abreuve de fiel ;
ni renoncer au moindre soupir de ma belle,
ni feu moins ardent je ne désire.
« La beauté que tu vois est bien d’elle ;
mais elle grandit quand elle atteint d’autres cieux,
quand par tes yeux mortels à ton âme elle se hisse.
Elle se fait ainsi divine et pure et belle
comme toute chose immortelle c’est son pareil qu’elle veut :
c’est elle, non l’autre, qui alors dans tes yeux se tisse. »
*
4.
Com’arò dunche ardire
senza vo’ ma’, mio ben, tenermi ’n vita,
s’io non posso al partir chiedervi aita?
Que’ singulti e que’ pianti e que’ sospiri
che ’l miser core voi accompagnorno,
madonna, duramente dimostrorno
la mia propinqua morte e’ miei martiri.
Ma se ver è che per assenzia mai
mia fedel servitù vadia in oblio,
il cor lasso con voi, che non è mio.
4.
Avec quelle hardiesse pourrais-je rire,
sans vous ma douce rester en vie pourtant,
ni sans votre aide me départir à présent ?
Ces sanglots, ces pleurs et ces soupirs
que mon humble cœur vous adressent,
dame, sont la preuve maîtresse
de ma mort à venir et de mon martyr.
Mais s’il est vrai que mon absence, mon trépas
jetterait dans l’oubli ma fidèle servitude,
à vous j’abandonne mon cœur, qui ne m’appartient pas.
*
5.
Qua si fa elmi di calici e spade
e ’l sangue di Cristo si vend’a giumelle,
e croce e spine son lance e rotelle,
e pur da Cristo pazïenzia cade
Ma non ci arrivi più ’n queste contrade,
ché n’andre’ ’l sangue suo ’nsin alle stelle,
poscia c’a Roma gli vendon la pelle,
e ècci d’ogni ben chiuso le strade.
S’i’ ebbi ma’ voglia a perder tesauro,
per ciò che qua opra da me è partita,
può quel nel manto che Medusa in Mauro;
ma se alto in cielo è povertà gradita,
qual fia di nostro stato il gran restauro,
s’un altro segno ammorza l’altra vita?
5.
Ici, de calices, on fait des épées et des haches,
et le sang du Christ est vendu par poignées,
sa croix, ses épines sont lances et boucliers
et pourtant sa patience il nous offre sans relâche.
Ne le laissez plus descendre dans ces contrées,
car son sang jusqu‘aux étoiles monterait alors,
puisqu’à Rome on vend sa peau et son corps
et que de toute vertu la trace a été effacée.
Me voilà privé de mes trésors, ma dernière chance,
hélas, oui, l’homme à la chape tout ouvrage m’interdit,
comme Méduse en Mauritanie, de lui vient l’offense ;
mais bien qu’au ciel la pauvreté soit aimable et jolie,
comment de notre état recevoir la vraie récompense,
si un nouvel étendard vient frapper cette autre vie ?
*
6.
Dal ciel discesce, e col mortal suo, poi
che visto ebbe l’inferno giusto e ’l pio,
ritornò vivo a contemplare Dio,
per dar di tutto il vero lume a noi.
Lucente stella, che co’ raggi suoi
fe’ chiaro a torto el nido ove nacqu’io,
né sare’ ’l premio tutto ’l mondo rio;
tu sol, che la creasti, esser quel puoi.
Di Dante dico, che mal conosciute
fur l’opre suo da quel popolo ingrato
che solo a’ iusti manca di salute.
Fuss’io pur lui! c’a tal fortuna nato,
per l’aspro esilio suo, co’ la virtute,
dare’ del mondo il più felice stato.
6.
Quittant les cieux, en son corps mortel, il vint à nous,
mais quand il eût sondé l’un et l‘autre enfer,
il remonta vivant contempler l’Éternel et faire
sur toute chose en ce monde descendre la vraie lumière.
Cet astre brillant de tant d’éclat
illumina le pauvre nid où je naquis
mais en retour reçut ce monde flétri ;
toi seul, qui le créa, sait le mystère de l’au-delà.
Dante, son œuvre et son noble but
furent par trop ignorés de ce peuple ingrat
qui seul aux justes nie son salut.
Que ne suis-je lui ! Et avoir son aura !
Contre son dur exil, sa vie et ses vertus
j’échangerais jusqu’au plus bel apparat.
*
7.
Quante dirne si de’ non si può dire,
ché troppo agli orbi il suo splendor s’accese;
biasmar si può più ’l popol che l’offese,
c’al suo men pregio ogni maggior salire.
Questo discese a’ merti del fallire
per l’util nostro, e poi a Dio ascese;
e le porte, che ’l ciel non gli contese,
la patria chiuse al suo guisto desire.
Ingrata, dico, e della suo fortuna
a suo danno nutrice; ond’è ben segno
c’a’ più perfetti abonda di più guai.
Fra mille altre ragion sol ha quest’una:
se par non ebbe il suo exilio indegnio,
simil uom né maggior non nacque mai.
7.
De l’astre, la vérité toujours est tue,
car même à l’aveugle il est lumière trop pure,
plus aisé est le blâme aux ennemis parjures,
que l’ascension à sa moindre vertu.
Il explora pour nous les gouffres et ses leurres
puis léger vers Dieu il s’éleva ;
et tandis que le ciel à lui s’ouvrit sans heurts,
la patrie de ses murs l’exila.
Ingrate est-elle cette patrie et habile aussi
à gâter son propre destin ; il n’est de signe plus évident
qu’aux meilleurs elle prodigue les pires tourments.
D’entre mille, vous dis-je, une seule preuve suffit :
jamais exil ne fut moins juste ni moins troublant
et jamais aucun homme ne fut aussi grand.
*
8.
Se ’l mie rozzo martello i duri sassi
forma d’uman aspetto or questo or quello,
dal ministro che ’l guida, iscorge e tiello,
prendendo il moto, va con gli altrui passi.
Ma quel divin che in cielo alberga e stassi,
altri, e sé più, col propio andar fa bello;
e se nessun martel senza martello
si può far, da quel vivo ogni altro fassi.
E perché ’l colpo è di valor più pieno
quant’alza più se stesso alla fucina,
sopra ’l mie questo al ciel n’è gito a volo.
Onde a me non finito verrà meno,
s’or non gli dà la fabbrica divina
aiuto a farlo, c’al mondo era solo.
8.
Si mon lourd marteau façonne les durs rochers
à telle image ou à tel autre visage humain,
de la main qui le guide, le regarde et le tient,
il suit l’élan mais frappe à un rythme étranger.
Or l‘instrument divin qui au ciel règne et vit,
sans aide se vêt et revêt toute chose de beauté ;
et bien que jamais nul marteau sans autre ne fut créé,
ce marteau-là, à tous et à lui seul, donne la vie.
Plus haut il se lève sur la forge et le feu,
plus fort est son coup au grand jour :
depuis le ciel, par-dessus moi, celui-ci a frappé.
Mon ouvrage restera incomplet en ce lieu,
si l’atelier divin ne lui prête secours,
lui qui solitaire en ce monde s’est vu abandonné.
*
9.
La Notte, che tu vedi in sì dolci atti
dormir, fu da un angelo scolpita
in questo sasso, e perchè dorme ha vita:
Destala, se nol credi, e parleratti.
—Giovanni di Carlo Strozzi
Caro m’è ’l sonno, e più l’esser di sasso,
mentre che ’l danno e la vergogna dura;
non veder, non sentir m’è gran ventura;
però non mi destar, deh, parla basso.
9.
La Nuit veille en douce posture, regarde-la
elle dort, c’est un ange qui l’a sculptée si jolie
dans ce marbre, et son sommeil lui prête vie :
Réveille-la, si tu en doutes, elle te répondra.
—Giovanni di Carlo Strozzi
Que mon sommeil m’est cher, et plus encore être de pierre,
tant que la blessure et la honte perdurent ;
ne pas voir ni sentir m’est de bon augure ;
de grâce, ne me réveille pas, et parle bas sous le lierre.
*
10.
Di morte certo, ma non già dell’ora,
la vita è breve e poco me n’avanza;
diletta al senso, è non però la stanza
a l’alma, che mi prega pur ch’i’ mora.
Il mondo è cieco e ’l tristo esempro ancora
vince e sommerge ogni prefetta usanza;
spent’è la luce e seco ogni baldanza,
trionfa il falso e ’l ver non surge fora.
Deh, quando fie, Signor, quel che s’aspetta
per chi ti crede? c’ogni troppo indugio
tronca la speme e l’alma fa mortale.
Che val che tanto lume altrui prometta,
s’anzi vien morte, e senza alcun refugio
ferma per sempre in che stato altri assale?
10.
De la mort je ne doute, mais son heure m’est mystère,
je sais la vie courte et le temps m’est compté ;
elle est douce à mes sens mais tranchante épée
à mon âme qui implore ma fin sur cette terre.
Le monde est aveugle et le mauvais exemple encore
vainc et submerge toute perfection et toute liesse ;
la lumière s’est éteinte, et avec elle la dernière hardiesse,
le mensonge triomphe et la vérité à jamais s’endort.
Hélas, Seigneur, quand donc viendra l’heure
pour celui qui t’attend ? Chaque instant est pénible
qui en lui tue l’espoir et son âme rend mortelle.
À quoi servent tes promesses, tes lueurs
si la mort la première et sans fuite possible
fige nos âmes en cette prison éternelle ?
*
11.
Qui vuol mie sorte c’anzi tempo i’ dorma,
né son già morto; e ben c’albergo cangi,
resto in te vivo, c’or mi vedi e piangi,
se l’un nell’altro amante si trasforma.
Qui son morto creduto; e per conforto
del mondo vissi, e con mille alme in seno
di veri amanti; adunche a venir meno,
per tormen’ una sola non son morto.
11.
Ici mon sort a voulu qu’avant l‘heure je m’endorme,
mais je ne suis pas mort ; bien qu’ayant changé de demeure,
en toi je reste vivant, toi qui me vois et me pleures,
s’il est vrai que l’être aimé en l’autre prend forme.
Ici on me croit mort ; mais j’ai vécu offrant au monde
mon meilleur réconfort, et j’ai porté en mon sein
les âmes de mille amours vraies ; ainsi, même loin,
la pensée d’une seule me sauve de la fin immonde.
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